Ma Cocotte a les choquotes

Publié le par Ma Cocotte

Il faut que je l’écrive, là, tout de suite, maintenant.

 

J’écris mes peurs et mes angoisses. D’autres les photographient. D’autres en font des cauchemars.

Je les écris.

 

Autour de 10 heures, j’ai mon petit rituel matinal. Je vais fumer une cigarette, dehors.

 

Il pleut. Tout est gris mais je souris. Jusqu’ici, tout va bien. Je me sens libérée d’un poids, d’une pesanteur.

Je savoure l’instant.

 

Je pense au cadeau que je vais offrir à l’un de mes meilleurs potes, Vieux Débris. Un autographe.  L’autographe d’un chanteur dont il raffole.  Il sera souriant et heureux. Je serai ravie. Pour ceux qui ne l’ont pas encore compris, j’aime donner.

 

Une femme s’approche. Je ressens un déséquilibre. Un vague sentiment de gêne. Habillée proprement, ses habits semblent classiques. Est-ce son regard ? Oui, c’est son regard. Un peu perdu. Hésitant. Un regard qui ne se pose pas, qui passe sur moi en semblant ne pas me voir.

 

Sa main est tendue devant elle.

 

Elle avance. Elle s’approche.

 

Je respire. Non, en fait, je retiens ma respiration. Quelque chose me semble décalé, hors norme. Quelque chose ne va pas. Quand on tend la main, c’est un signe de demande mais son corps ne se dirige pas vers moi, ses yeux ne me croisent pas, ni moi ni quelque partie de mon corps que ce soit. Elle ne mendie pas.

 

Elle se dirige droit vers le cendrier extérieur. Un cendrier perché sur un long pied. Un cendrier ?

 

Sa main plonge et elle ramasse les mégots.

 

Visage immobile.  Aucune expression. Une espèce d’automate, de robot.

 

Je reste là, arrêtée. Oui, je suis « arrêtée ». J’ai du mal à déchiffrer ce que je vois. Déjà elle repart…

 

« Attendez ! »

 

Je lui tends mon paquet de cigarettes entamé.

 

« Tenez. »

 

Je ne souris pas.  J’ai agi spontanément. Instinctivement. Comme d’habitude.

 

Ses sourcils se froncent. Son visage n’est plus inexpressif. Il se ferme. Il se bloque en direction de mes chaussures.

 

Je reste ainsi, le paquet de cigarettes tendu vers elle comme elle tendait sa main.

 

Elle fait non de la tête puis s’en retourne.

 

Et je reste là, tétanisée, pétrifiée.

 

Elle m’a refusé ce que je lui demandais, en fait. Me libérer du poids de la culpabilité qu’a fait naître son apparition près de moi, là.

 

Ce don-là, il n’était pas spontané ni gratuit, il n’était là que pour ça, me dédouaner d’avoir les moyens d’acheter des cigarettes.

 

Elle m’a ramenée au temps de la disette, du manque d’argent. Je me cachais, moi, pour ramasser les mégots. J’avais honte. Pas elle. Elle semble juste déshumanisée, désincarnée.

 

Je me console en me disant que mon geste a provoqué chez elle un sursaut. Elle a refusé. Elle a su refuser la pitié.

 

Pourvu que jamais je ne sois amenée à ramasser de nouveau des mégots…

 

 

Publié dans Ma Cocotte

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N
J'étais déja venue, j'm bcp<br /> je reviendrai
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M
<br /> Merci à toi. Tu es la bienvenue :)<br /> <br /> <br />
U
Merci de ton passage sur mon blog ma cocotte ;) Bonne soirée Maybe later @++
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E
Chapeau bas.<br /> Tu as su résumer en quelques mots la situation. Malgré nos petits salaires, avec ou sans diplôme, nous sommes tout de même mieux logés que les 9/10èmes de l'humanité.<br /> Ps: aucun don n'est gratuit sinon "l'amour", le tout c'est d'OUBLIER qu'on a donné .<br /> Good job, girl !
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M
<br /> Ah... l'oubli...<br /> <br /> On ne peut l'oublier que lorsqu'on reçoit.<br /> <br /> C'est le "reçu" qui valide le don... lol...<br /> <br /> <br />
C
Merde, alors.....moche, moche, tout ça......mais......<br /> <br /> ....ça ne m'étonne pas .....vue l'époque....
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Q
Là, je dis rien.
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