Nuit Rouge
Rouge. La couleur de l'éveil est rouge. Elle s'insinue dans la nuit noire de mon sommeil. Sa brûlure me ronge le cerveau. Rouge, la couleur de ma peur. Éveil. Tout est calme. Juste mon souffle et les saccades de mon cœur en écho à ta respiration profonde.
Peur mais rassurée puisque vivante. Le bras gauche engourdi, lourd, gênant. Je me tourne, tourne encore. Je ne veux plus dormir. Il me faut trouver la bonne place. Je t'écoute dormir. Je pose ma main sur ton dos, doucement, ne pas te réveiller. Juste sentir la vie irradier de toi. Prendre de cette vie pour conjurer la peur.
J'entame en silence ma litanie de conjuration spéciale de la peur. Y a pas de raison que ça recommence. La foudre ne frappe pas deux fois au même endroit. Tu es suivie par des spécialistes. Tu avales bien tous tes bonbons gélifiés. Y a pas de raison.
Puis la liste des promesses auto-rassurantes. Ouais demain je fais du sport. Demain je mange équilibré. Demain, demain. Demain j'arrête de fumer.
Je souris dans le noir. Mes litanies secrètes n'ont qu'un seul but : faire diversion, m'emporter sur le chemin de la divagation. Le vélo d'appartement est là, au pied du lit et je le déteste. Je préfère mille fois que tu m'emmènes sur le 600, en balade, toi et moi face au monde entier. Sentir ton corps et le vent, la vitesse.
Vivre. Voir les bancs de brume au creux des vallées, au petit jour. Tenter sans succès de compter les arbres des forêts. Rire au nez des vaches qui n'ont pas le temps de nous voir passer et presque cueillir les marguerites dans les fossés.
Vivre. Partager nos bagarres factices. Combattre pour de faux, ne jamais lâcher prise et finir dans un grand éclat de rire, vaincue d'avance. Batailler par les mots, parfois sérieux, parfois non.
Vivre. Te laisser choisir le son, regarder les volutes de fumée envahir la pièce, écouter, partager, danser et sourire, toi et moi. S'envoler dans la musique vers d'autres réalités.
Vivre. Nos mains qui se rejoignent sans préméditation. Les petites attentions quotidiennes comme des mots d'amour silencieux.
Vivre. Parler, partager les idées et les mots. Confrontation, échange. Refaire ce monde et se dire que c'est sûr, on partira à l'aventure pour de vrai, toi et moi, le van et le chien, jusqu'au bout du monde.
Vivre. Nous deux au creux des vagues, la mer, l'attente du poisson, les sourires d'enfant quand le premier maquereau mord à l'hameçon. Le silence du bonheur, juste bercés par les vagues. L'immensité nous plait. La mer. Le silence. Ta chaleur près de moi.
Je m'endors.
Illustration sur le blog de Corto Santi, un blog qui propose poèmes, photographies (magnifiques) et textes. Passez le découvrir, c'est excellent.